Le ministre, le marvel et la géopolitique

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Articles  : Fev. 2023Jan. 2023Dec. 2022 –   Nov.2022 Facebook : https://www.facebook.com/profile.php?id=100069673161887

++ WEBTUBE : Quand la France se fait marcher dessus… et que tout le monde s’en fout voir même applaudit. C’est vrai que lors du naufrage du Titanic l’orchestre jouait toujours pour rassurer et calmer les peurs avant le grand plongeons… Nous y sommes.

Notre ministre des Armées s’est indigné, ces derniers jours, au sujet du film Wakanda Forever, montrant des pillards en uniformes militaires français. Un membre de notre classe politique s’aperçoit enfin que certains États déploient des stratégies globales, usant de tous les moyens, même des plus frivoles. Mais sous le divertissement vu comme une arme, efficace en action psychologique pour discréditer ou exalter – visionner un tel film dans une salle de cinéma en Afrique est d’ailleurs une expérience -, la géopolitique n’est pas loin. Une discipline souvent négligée, parfois même ignorée, par les dirigeants français. Pourtant, pendant des siècles, les princes furent éduqués par l’étude de l’histoire et de la géographie, dont la réunion constitue l’essentiel de la géopolitique.

Les élites des pays anglo-saxons ne souffrent pas de la même amnésie. Ils cultivent le goût de cette noble matière qu’ils mettent au service de la puissance dans le jeu mondial. Et c’est là que paraît notre désolante faiblesse. La France a été longuement présente en Afrique de l’Ouest. Le nom qu’on y donne aux Blancs (« toubab ») est dérivé de l’arabe « médecin », les premiers Européens rencontrés par les populations locales étant surtout des médecins et des infirmiers militaires français qui donnaient des soins. Nous y avons dépensé des fortunes, perdu, au cours des dix dernières années, 58 soldats, la question de la conquête coloniale et de sa pertinence étant un autre sujet. Malgré ces sacrifices, les gouvernements locaux ne se privent pas d’enrôler la France dans leurs stratégies politiques oscillantes, la France qui en fait trop ou pas assez, ce qui permet de justifier auprès des peuples les échecs répétés des pouvoirs en place.

Or, nous arrivons avec un mélange paradoxal de dogmes bienveillants et de honte post-coloniale, sans tenir compte de l’histoire d’une région, peu écrite mais bien réelle. Les militaires ne l’ignorent pas quand ils se documentent avant leur déploiement, pour connaître au mieux le théâtre d’opérations. Sont-ils ensuite écoutés quand ils rendent compte de la situation sur le terrain ? Quand ils évoquent l’opposition séculaire entre peuples du désert, de tradition esclavagiste, et peuples du sud, longuement asservis ? Quand ils voient que, dans les zones désertiques, le trafic et la razzia sont les activités immémoriales et que l’enjeu essentiel y est le contrôle des itinéraires et des points de passage ? Il semble malheureusement que non, et les lointaines certitudes parisiennes ont trop souvent le dernier mot.

En se débarrassant des Français, leurs anciens maîtres, sous l’impulsion de leurs gouvernements, les habitants de cette région pensent faire une bonne affaire. Ils ne tarderont pas à s’apercevoir que la Chine ne vient que pour dévorer les ressources nécessaires à son économie gloutonne et que la Russie, dont l’expérience africaine remonte surtout aux conflits par procuration allumés pendant la guerre froide, ne vient que pour mener son grand jeu contre l’empire d’au-delà de l’océan. Les trois grandes puissances sont donc bien d’accord pour nous évincer. Elles y sont parvenues presque complètement. Grâce, entre autres choses, à leur intérêt obstiné pour la géopolitique, science de la longue durée et de l’impassible espace pour laquelle les élites françaises montrent souvent une étrange paresse intellectuelle. Décidément, le déclin nécessite toujours une part de consentement.

Jean-Frédéric Sellier, Boulevard Voltaire

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