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Un an, presque jour pour jour, après son discours fondateur de Belfort, le président de la République a dévoilé, ce vendredi 3 février 2022, sa feuille de route pour relancer la filière nucléaire française. Réunissant au palais de l’Élysée le conseil présidentiel de la politique nucléaire, Emmanuel Macron a implicitement confirmé la construction de six nouveaux EPR de seconde génération dont les premières mises en service sont prévues d’ici 2035.
Reposant en grande partie sur une relance du nucléaire civil, le discours délivré par le président de la République à Belfort, le 10 février 2022, avait soi-disant « balayé d’un revers de main vingt années d’errements énergétiques ». En matière de nucléaire, le chef de l’État avait notamment remis en cause la « loi sur la transition énergétique pour la croissance verte » votée en 2015 et imposant, d’ici 2025, la fermeture d’une quinzaine de réacteurs, ceci, afin de ramener la production électronucléaire à 50 % du mix électrique. Cette loi qu’il avait confirmée (puis amendée en repoussant la date butoir à 2035) durant son premier quinquennat, puis commencé à mettre en œuvre avec la fermeture des deux réacteurs de Fessenheim, a été définitivement abandonnée le 17 janvier 2023. L’ensemble des réacteurs existants seront carénés pour prolonger leur durée de vie à 60 ans. En 2050, une grande partie d’entre eux seront toutefois fermés, sauf à étudier leur prolongement pour vingt années supplémentaires (soit 80 ans au total), comme l’a récemment autorisé le régulateur américain. Selon RTE, parmi les 56 réacteurs actuellement en service, une quinzaine de GW seront encore en service en 2050.
Emmanuel Macron avait aussi annoncé, à Belfort, la construction des six nouveaux EPR mentionnés dans le premier paragraphe plus huit autres optionnels, soit 14 au total à l’horizon 2050. 14 EPR en trente ans (soit un tous les deux ans), cela représente un objectif bien ambitieux quand on sait qu’il aura fallu quinze ans pour finaliser l’EPR de Flamanville (mis en chantier en 2008). Combien de temps faudra-t-il pour reconstituer une filière qui, faute de nouveaux réacteurs, a vu ses compétences se déliter depuis le début du siècle ?
Maîtrise d’œuvre, aptitude à gérer de très gros chantiers, bureaux d’études, fabricants de composants : la liste est longue quant à la dégradation du savoir-faire, avec une mention particulièrement critique pour les ingénieurs, les soudeurs et les tuyauteurs. Au cours des quinze prochaines années, on estime en moyenne le recrutement nécessaire à 10.000 personnes par an.
Cet objectif réclamera notamment un changement complet de logiciel éducatif, notamment vis-à-vis de jeunes générations endoctrinées par une extrême gauche tenant les rênes de l’enseignement supérieur. Sous influence, les jeunes ingénieurs sont de moins en moins enclins à vouloir travailler dans l’atome, comme on avait pu l’observer lors de la remise des diplômes d’Agro Paris Tech 2022 quand huit néo-diplômés irresponsables avaient publiquement assumé leur détestation de la société de croissance ainsi que leur opposition vindicative vis-à-vis du nucléaire. Même si les Français sont en majorité favorables au déploiement du nucléaire, sont-ils prêts à accepter de nouveaux EPR, SMR, voire surgénérateurs « dans leur jardin » ? Il s’agit probablement du défi le plus important du futur quinquennat dont Emmanuel Macron a déclaré « qu’il sera écologique ou ne sera pas ».
Et pourtant, ces 14 (très) hypothétiques EPR (de 1,6 GW chacun) ajoutés aux 15 GW restant en service ne produiront (en supposant un facteur de charge de 85 %) que 280 TWh, soit seulement 35 % de la consommation électrique de l’Hexagone à l’horizon 2050 (qui passera à 800 TWh, contre 450 TWh aujourd’hui). En d’autres termes, ce projet « en trompe-l’œil » réduira finalement la part du nucléaire de moitié (il représente, aujourd’hui, 70 % de la production d’électricité française) et bien en dessous des 50 % envisagés par la loi de 2015. Conserver 70 % d’électricité électronucléaire à l’horizon 2050 aurait demandé de construire 35 EPR, soit plus d’un par an. Cet objectif aujourd’hui inatteignable aurait été possible si la gauche n’avait pas répondu, pour des raisons purement électoralistes, aux sirènes écologistes.
D’autant que, parallèlement à ces objectifs nucléaires, les ambitions en termes de renouvelables (100 GW de solaire x 8, 37 GW d’éolien terrestre x 2 et 40 GW d’éolien off-shore, soit la mise en œuvre annuelles de… 3 parcs équivalents à celui de Fécamp !) auront, aussi, bien du mal à se réaliser.
En conséquence, comme nous l’avons déjà écrit à de nombreuses reprises, c’est le gaz qui viendra inexorablement suppléer au déficit d’anticipation politique. Alors qu’un EPR demande dix ans de construction et coûte 10 milliards d’euros, une centrale à gaz de puissance équivalente s’érige en moins de trois ans pour la somme modique de 500 millions d’euros. Un avantage compétitif incontestable en situation d’urgence qui cache toutefois de lourds handicaps. En dehors de l’augmentation de ses émissions de gaz à effet de serre, en se jetant dans les bras du gaz, la France concède une importante partie de sa sécurité énergétique, acceptant de facto un MWh dont le cours sera calqué sur la volatilité des prix du gaz.
Philippe Charlez, Boulevard Voltaire
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