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“Les courants islamiques turcs d’Europe ont développé un islam extrêmement actif. Focalisés sur les resserrements des liens communautaires, leurs actions se développent sur trois axes : création de mosquées, enseignement avec une réaffirmation de valeurs traditionnalistes teintées d’ottomanisme et entraide sociale et scolaires”
(Extrait rapport DGSI, 2018)
La plus grosse école privée de Savoie risque d’être musulmane
Albertville était jusqu’alors mondialement célèbre pour avoir accueilli, en février 1992, les Jeux Olympiques d’hiver. Mais depuis avril 2021, la petite commune de 19 453 habitants s’est tristement retrouvée sous le feu des projecteurs. En cause, la décision du tribunal administratif de Grenoble, sommant le Maire d’Albertville de délivrer un permis de construire à la confédération islamique Millï Gorüs (CIMG) pour la construction d’une école islamique.
Selon le projet initial, cet établissement scolaire comporterait 16 classes (six en maternelle et 10 en primaire) et prévoirait d’accueillir un effectif de 400 écoliers, cette école capterait ¼ des élèves scolarisés à Albertville et deviendrait ainsi la plus grosse école de Savoie.
Le coût de construction de cette école s’élèverait à trois millions d’euros, d’après les chiffres avancés par la CIMG et serait totalement financée par des dons.
L’organisation turque Millî Görüs, déjà au cœur de la polémique autour de la construction de la grande mosquée de Strasbourg, continue inlassablement d’avancer ses pions sur le territoire français et cette fois-ci, dans la cité olympique. Dans sa ligne de mire, l’école publique et les fondamentaux de la république.
Le droit français comme arme stratégique : récit chronologique d’une bataille juridique
– 2016, la Mairie d’Albertville, commune du département de la Savoie, tente de préempter le terrain sur lequel la confédération islamique Millî Görüs (CIMG) d’Albertville souhaite construire une école musulmane.
Le tribunal administratif rejette cette procédure, la Mairie décide de ne faire appel du jugement.
– Le 25 février 2019, la CIMG d’Albertville, dépose une demande de certificat d’urbanisme opérationnel pour la création d’un groupe scolaire (école privée musulmane) sur un terrain de près de 4 000 m² situé à côté de l’actuelle mosquée turque d’Albertville en Savoie (chemin de la Contamine).
– Par un certificat d’urbanisme délivré le 18 avril 2019, le maire d’Albertville déclare cette opération non réalisable.
– Puis, par arrêté du 9 septembre 2019, il refuse de délivrer le permis de construire.
– Face à ce refus, l’association CIMG décide de saisir la justice en déposant un recours contentieux auprès du tribunal administratif de Grenoble le 17 septembre 2019.
– Le 6 avril 2021, la 5éme chambre du tribunal administratif de Grenoble prononce son jugement : Elle estime que les motifs avancés par la Mairie, ne sont pas recevables. Elle oblige donc le maire d’Albertville à autoriser la construction de l’école primaire privée.
– Le 9 avril 2021, pour alerter sur cette situation, le maire d’Albertville publie dans les colonnes du Figaro un long article ce qui a eu pour conséquence de faire réagir et ceux jusqu’aux plus hautes sphères de l’État.
– Le 12 avril 2021, le gouvernement Français par l’intermédiaire de son ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin ajoute deux amendements de dernières minutes au projet de loi “confortant le respect des principes de la République”. L’un instaure une obligation d’information du préfet trois mois au préalable, avant toute subvention publique pour la construction d’un lieu de culte. Le second permet au préfet de s’opposer à l’ouverture d’écoles hors contrat soutenue par un Etat étranger « hostile » à la République.
Ce nouveau texte, déposé à l’initiative d’Emmanuel Macron et approuvé par le Sénat dans la foulée vise avant tout à lutter contre les ingérences étrangères sur le sol français, via l’ouverture d’écoles hors contrat.
– Le 27 mai 2021, la mairie saisit la cour administrative de Lyon en faisant appel de la décision rendue par le Tribunal Administratif de Grenoble pour excès de pouvoir.
– Le 16 décembre 2021, la cour d’appel de Lyon tranche : le permis de construire est refusé à la Confédération islamique Millî Görüs.
Ce jugement marque la fin du projet, même si la CIMG peut toujours décider de déposer un recours devant le Conseil d’État. Rien ne l’empêche non plus de redéposer un nouveau permis de construire…
Ce projet de construction d’école musulmane à Albertville s’inscrit dans cette volonté de conquête de la CIMG pour devenir de plus en plus influente en France.
L’extension du réseau d’écoles de la confédération islamique Millï Gorüs
Depuis une dizaine d’années, les projets d’école privées musulmanes se développent de manière exponentielle en France. A titre d’exemple, en 2000 il y en avait un seul alors qu’aujourd’hui on peut en compter 120.
La Turquie est particulièrement active dans cette stratégie de conquête car à travers l’éducation, Ankara peut exercer un contrôle sur sa diaspora et étendre son influence dans la communauté musulmane française. La CIMG est son relai en France pour ce qui concerne l’éducation.
Très souvent, les journalistes occidentaux se trompent en présentant la Confédération islamique Millï Gorüs (CIMG) comme une création du parti AKP. C’est tout le contraire, le Millï Gorüs est la genèse de l’AKP, le lien est bien réel.
Sur un certain nombre de sujets nationaux sur lesquels Millî Görüs peut tenir le même discours qu’Ankara, comme l’islam sunnite, comme la question du halal, comme la prière, mais aussi des sujets nationalistes comme le génocide des Arméniens de l’Empire ottoman. Le Millî Görüs prône donc une vision de la société ancrée dans un islam sunnite conservateur.
En France, la CIMG rassemble plusieurs dizaines de milliers de fidèles. “C’est un mouvement assez puissant qui contrôle 25 % à 30 % des mosquées fréquentées par les Turcs en France et bénéficie d’un solide ancrage local”, explique Samim Akgönül, historien et directeur du département d’études turques à l’université de Strasbourg, contacté par France 24.
Selon le site internet de la CIMG France, la confédération compterait plus de 300 associations avec une expérience de terrain remarquable. La CIMG serait un acteur incontournable de la vie des musulmans de France et viserait de plus en plus l’éducation de la diaspora turque.
Son président Fatih Sarikir, est également président de l’union européenne pour l’enseignement musulman privé (UEPM). Cette association gère dix groupes scolaires en France et ne compte pas s’arrêter là.
En effet, à travers son réseau UEPM, la CIMG ne cesse de renforcer sa présence au sein de l’enseignement musulman privé en France. D’ailleurs, plusieurs autres projets d’écoles portés par la même fédération sont en cours à Strasbourg Bordeaux, Belfort, Besançon et Rennes.
L’UEPM est une organisation sous forme d’association loi 1901 dont l’objet déclaré au greffe est de faciliter, soutenir et accompagner la mise en place d’établissement d’enseignement privé musulman en France ; fonder et gérer tous types d’établissement d’enseignement privé ; aider à la construction, l’achat de bien immobilier visant à fonder des établissements privés musulmans ; faire toute activité se rapportant à l’éducation, l’enseignement, la formation et la culture sous toutes leurs formes ; réaliser toutes les activités scolaires et parascolaires.
Même si l’UEPM se veut non Turc et non islamique comme son président le cri haut et fort, depuis 5 ans, le réseau de l’UEPM organise chaque année, la finale du concours de mémorisation du Coran. Les élèves de différentes écoles de l’UEPM peuvent ainsi concourir. Cet événement permet de motiver les enfants, de les encourager à apprendre et à fixer des objectifs dans cette noble de tâche de mémorisation. Il permet aussi une émulation autour du Coran et valorise les enfants en les faisant réciter devant un public, ce qui leur donne confiance et assurance.
Le Prophète (pbsl)* a dit : « Les meilleurs d’entre vous sont ceux qui apprennent le Coran et l’enseignent ». (Alboukhari)
* En français, l’eulogie de Mahomet est souvent abrégée pbsl (Paix et bénédiction soient sur lui),
Présentation du réseau de l’UEPM en France, 10 groupes scolaires privés hors-contrat (cliquer pour visualiser la carte)
Même si la CIMG prétend n’entretenir aucun lien avec le parti de l’AKP, on constate des liens étroits entre ses mosquées dirigées depuis Ankara et ses écoles islamiques. Systématiquement, les écoles de la CIMG apparaissent dans les villes où se trouvent déjà des mosquées appartenant à la Confédération islamique. Simples coïncidences, ses écoles se situent à proximité des mosquées, voire aux mêmes adresses.
70% des écoles des établissements scolaires hors contrat de la CIMG se situent en effet, sur les mêmes sites que les mosquées de la CIMG. C’est le cas pour les établissements de :
- – Corbeil-Essonnes, où le groupe scolaire la lumière du savoir se situe sur le même site que la grande mosquée.
- – Vénissieux dans le Rhône avec l’école la maison d’Arquam et la mosquée CIMG Eyüb Sultan.
- Annecy en Haute Savoie, avec le collège la vertu et la mosquée CIMG.
- – Villefranche sur/Saône avec l’école la plume bleue et la Mosquée Bleue CIMG.
- – Blois dans le Loir et Cher, avec le groupe scolaire Al Ghazali et la mosquée CIMG.
- – Bourgoin-Jallieu dans l’Isère avec l’école Fourquan et la mosquée CIMG où 20 mètres les séparent.
- – Savigny-le-Temple en avec l’école la petite plume et la Grande mosquée (55 mètres de distance)
Les 3 autres groupes scolaires sont simplement implantés dans les mêmes villes que les mosquées mais sans proximité immédiate.
- – Strasbourg dans le Rhin, le groupe scolaire Eyyûb Sultan est situé à 550 mètres de la mosquée CIMG Eyyûb Sultan de Strasbourg.
- – Clichy-sous-Bois en Seine-Saint-Denis où le Groupe Scolaire Bellevue Muhammed Hamidullah est situé à 1,3 km de la Mosquée Bilal.
- – Metz en Moselle où l’école Mimar Sinan est située à 3,6km de la Mosquée CIMG.
Groupes scolaires privés CIMG hors-contrat et prosélytisme politico-religieux
Le danger des écoles privées hors-contrat non financées par l’Etat français résulte dans le fait qu’elles sont très peu encadrées. Les contrôles administratifs sont malheureusement inefficaces. Elles disposent d’une liberté totale dans leur organisation. Les chefs d’établissement peuvent ainsi dévier des programmes officiels et prodiguer des enseignements de nature à endoctriner les élèves et à compromettre leur insertion dans la société. Les méthodes éducatives et manuels scolaires relaient le prosélytisme politico-religieux d’Ankara.
En effet, ces écoles hors-contrat se financent librement par les droits de scolarité acquittés par les parents d’élèves, par des donations, ou encore par des fonds étrangers, elles ne sont pas soumises au respect du programme scolaire et ne sont pas reconnues par l’État (elles ne délivrent aucun diplôme national). Cela signifie que les parents d’élèves qui estiment que les programmes officiels (auxquels sont astreintes les écoles publiques et privées sous contrat) ne conviennent pas à leurs enfants pour des raisons religieuses, philosophiques ou autres, peuvent choisir une école hors contrat, plus conforme à leurs convictions.
Très proche des Frères musulmans, la CIMG a par ailleurs, une histoire politico-religieuse ultra-conservatrice ancrée dans le rejet de l’Occident et de toute forme de laïcité. Elle est intimement liée au parti d’Erdogan. Son militantisme islamiste est indissociable de l’incarnation politique, sociale et religieuse.
Pour le ministre de l’Intérieur, la confédération islamique Millî Görüs fait partie “des ennemis de la République”. Une déclaration de Gérald Darmanin faite en avril 2021 en réaction à plusieurs polémiques. La CIMG est vue par l’exécutif comme l’agent infiltré de la Turquie et se retrouve donc dans son viseur. En particulier depuis son refus de signer la charte des principes de l’Islam de France en début avril où les signataires s’engagent à lutter contre l’islam politique et contre les ingérences étrangères. Millî Görüs se justifie : la charte est ambiguë et “démontre l’ingérence des politiques dans le religieux”.
Le nouveau programme scolaire turc incompatible avec le modèle démocratique français.
A la rentrée 2017, un nouveau programme scolaire a été mis en place par le vice-Premier ministre turc, Numan Kurtulmu. Les préceptes conservateurs et religieux au sein de la République turque, et plus particulièrement l’école, au mépris de la laïcité y sont diffusés de manière parcimonieuse et insidieuse.
Pour l’AKP, l’éducation doit être pensée avant tout comme l’architecture des générations, en Turquie comme à l’étranger. Parmi les nouvelles mesures, certaines sont incompatibles avec les manuels scolaires français comme par exemple :
- – Le retrait de Darwin des manuels de biologie dans les écoles turques. La théorie de l’évolution qui justifie la transformation des espèces par la sélection naturelle, entre en conflit avec les écritures sacrées du Coran.
- – La mise en place de cours de religion plébiscitant le bon djihâd.
“Le djihad est un élément de notre religion : il est fait partir, et il est donc du devoir du ministère de l’Education d’enseigner ce concept de manière appropriée”, a déclaré le ministre Ismet Yilmaz. “ Il nous appartient de corriger ce qui est mal perçu, mal vu ou mal enseigné”, a-t-il poursuivi faisant référence au rapprochement, jugé fallacieux par de nombreux universitaires, du terme “djihad” avec l’idée de terrorisme islamique.
Cette crainte peut être considérée comme légitime lorsque l’on se pose la question des liens ambigus qu’entretient le président turc Erdogan avec le Djihadisme international. Dans le journal Valeurs actuelles, Alexandre De Valle, met en exergue la position de la Turquie vis-à-vis du Djihadisme.
Un islam turc conquérant en France
En mars 2018, Alpaslan Kavaklıoğlu, député du Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir et chef de la Commission de la sécurité et du renseignement de son parlement a déclaré : « La population musulmane sera plus nombreuse que la population chrétienne en Europe dans 20 ans… numériquement, les musulmans sont l’avenir de l’Europe » faisant écho à son président, Recep Tayyip Erdoğan, qui avait déclaré en 2017 que les musulmans “sont l’avenir de l’Europe”.
Fort d’une diaspora conséquente et en pleine croissance, l’islam turc se veut conquérant en Europe. Le prosélytisme orchestré depuis Ankara joue un rôle évident dans la faible intégration et la non-assimilation de ses ressortissants.
Le président Recep Tayyip Erdogan ne cache plus sa volonté de régir l’islam en France et son combat passe par l’instruction notamment.
Le danger des structures d’enseignement liées aux réseaux turcs résulte avant tout dans le contenu de leur enseignement qui n’est pas compatible avec les principes républicains. Ces structures se composent essentiellement d’écoles privées musulmanes, d’écoles coraniques ainsi que d’organismes d’enseignement en ligne.
A travers les écoles musulmanes turques hors-contrat, Ankara tente d’islamiser les membres de sa diaspora dans le but d’instaurer un séparatisme entre la communauté turque et leur pays d’accueil. Le parti de l’AKP a ainsi une double emprise sur la communauté turque en France. Cette ingérence vise à déstabiliser les fondamentaux de la démocratie française.
En effet, en infiltrant l’enseignement français, le parti de l’AKP peut insidieusement diffuser sa politique islamo-conservatrice. L’éducation est en passe de devenir l’un de ses plus grands relais d’influence dans les régions de France, ce qui inquiète au plus haut niveau de l’Etat.
C’est ainsi que lors de son discours en octobre 2020 sur la lutte contre les séparatismes, le président français a lourdement insisté quant à la nécessité de libérer l’islam en France des influences étrangères. Dans l’allocution d’Emmanuel Macron, l’ingérence turque était particulièrement visée.