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La tension vient de monter d’un cran au Mozambique, ancienne colonie portugaise, l’une des nations les plus pauvres au monde, avec la prise de la ville côtière de Palma, ce lundi 29 mars, par Ahlu Sunna wal Jamaa (ASWJA), groupe lié à l’État islamique.
Au-delà de l’inquiétude légitime, voilà qui pose au moins deux questions.
La première, c’est qu’en cette région déshéritée, des compagnies telles que le français Total, l’italien Eni et l’américain Exxon sont en train d’explorer des gisements gaziers à peu près aussi gigantesques que ceux du Qatar. Ce qui, vu ces enjeux économiques et stratégiques pour les décennies à venir, tombe plus que mal, sachant que cette nation, aux frontières issues de la colonisation portugaise et découpées en dépit du bon sens, oblige à faire cohabiter plusieurs ethnies rivales, certaines musulmanes, d’autres chrétiennes : entre 20 % et 40 % pour les unes, le reste pour les autres.
La seconde, c’est que l’on ne récolte jamais que ce que l’on a semé. Ainsi, lors de l’invasion de l’Afghanistan par les Soviétiques, en 1979, les Américains estiment pertinent de remettre à l’honneur un concept théologique depuis longtemps tombé en désuétude : l’islamisme de combat, soit le « petit djihad », d’ordre militaire, à ne pas confondre avec le « grand djihad », relevant du domaine spirituel, mais concept qui, avec les pétrodollars de l’Arabie saoudite, a fini par redevenir d’actualité. Et c’est ainsi qu’au nom de la lutte anticommuniste furent créées des générations de desperados sans frontières. Ce grand « rêve » que les gauchistes tiers-mondistes n’ont su accomplir au siècle dernier – le Che promettant d’allumer des Vietnam locaux avant le grand incendie anti-impérialiste –, les islamistes sont en train de le réaliser au-delà de toute espérance. Quelle ironie…
Ces réflexes issus de la guerre froide persistent encore, le méchant islamiste ayant pris la place, dans les opinions publiques occidentales, de l’affreux bolchevique. Une conception manichéenne de l’Histoire qui n’est pas forcément la meilleure manière d’appréhender la marche du vaste monde. Car la véritable question se niche ailleurs : comment expliquer pourquoi des peuplades, même musulmanes de culture et plutôt paisibles de nature, versent tout à coup dans l’islamisme de combat. Il y a, certes, le gigantesque enjeu gazier, mais ce sont aussi les incidences d’un capitalisme mondialisé qu’il convient de prendre en compte.
Ainsi, le site Observatoire des multinationales nous explique que, là-bas, ces mêmes multinationales plus haut citées ont fait en sorte, afin de forer large et profond, que les pêcheurs soient relégués à l’intérieur des terres, au même titre que les paysans du cru, leur interdisant ainsi tout moyen de subsistance. Certes, les grands chantiers à venir pouvaient être promesses d’emplois pour les Mozambicains. Sauf que la majeure partie des postes qualifiés se trouve réservée aux cadres européens ou à l’oligarchie locale.
Résultat ? Le petit peuple des pêcheurs et des paysans a faim. Le seul espoir de ne pas finir entassé dans un bidonville ? Rejoindre les rangs de Daech, organisation qui, elle au moins, paye généreusement chaque fin de mois. Certains de nos lecteurs qualifieront éventuellement L’Observatoire des multinationales d’organisation de « gauche », ce qui n’est pas faux. Il est, en revanche, plus intéressant de constater qu’un Éric Zemmour et un Éric de Riedmatten, son comparse en matière économique sur le plateau de « Face à l’info » sur CNews, aient pu souvent développer les mêmes conclusions.
L’islamisme est certes un péril pour l’Afrique noire, mais le mondialisme est loin de faire figure de bénédiction. En attendant, les autochtones pleurent sur un lait versé par d’autres qu’eux.
Source Boulevard Voltaire, Nicolas Gauthier