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Rouge ou vert, le verdict de la carte du déconfinement est tombé. Après deux mois de crise sanitaire, quel bilan tirer de la stratégie de l’Élysée? Avec 25.500 morts officiellement recensés, dont une partie pourrait être imputable aux manquements des pouvoirs publics, et une récession inédite, le confinement aura-t-il fait plus de mal que de bien?
À quatre jours de l’échéance du 11 mai, Édouard Philippe a dévoilé les derniers détails de son plan tant attendu. «Au vu des résultats sanitaires enregistrés ces derniers jours, la levée progressive du déconfinement peut être engagée», s’est félicité le Premier ministre, annonçant une «nouvelle étape dans la lutte contre la pandémie» et une «bonne nouvelle pour les Français». À savoir, à terme, un déconfinement «sur l’ensemble du territoire métropolitain».
Pour autant, le bilan est lourd. La France se retrouve exsangue économiquement, la population émerge d’une quasi-assignation à domicile, souvent difficile, parfois traumatisante.
Dans l’Hexagone, le Covid-19 a fait jusque-là un peu plus de 25.500 morts, selon les chiffres officiels au 6 mai, soit un taux de mortalité rapporté à la population française de 0,0003%, seul chiffre incontestable, faute de tests en nombre suffisant. Le jeu en valait-il la chandelle? Non, selon Jean-Dominique Michel, expert en santé publique et auteur d’un brûlot publié le 29 avril dernier, COVID-19: anatomie d’une crise sanitaire. «Oui je parle de désastre», a-t-il déploré à l’antenne de CNews. Faisant notamment allusion à l’exemple de la Suède, où la pandémie a été contenue sans interruption de la vie sociale et économique, le spécialiste suisse a détaillé: «Par exemple, le confinement, ça n’a jamais été une recommandation de l’OMS. Les pays qui ont eu les meilleurs résultats face au Covid ne l’ont pas pratiqué.»
«La bonne pratique, elle est à l’inverse de ce qui a été fait [par le gouvernement français, ndlr]. C’est d’abord dépister le plus rapidement possible le plus de gens possible, mettre en quarantaine les gens contaminés pour éviter qu’ils n’en contaminent d’autres, protéger les personnes à risque avec un confinement limité dans le temps, et enfin mettre des mesures de protection comme des masques, de la distanciation sociale. Ce sont les bonnes pratiques.»
De fait, dans le bilan français, les personnes âgées comptent pour la moitié des décès, soit près de 12.800 personnes, dans des circonstances que seul le temps pourra éclaircir. Aussi, la question demeure, après deux mois de gestion controversée de la crise sanitaire: l’exécutif a-t-il imposé un confinement en particulier en raison du manque de masques de protection?
Deux mois pour répondre à l’urgence sanitaire
Les seniors auraient-ils été mieux protégés par un confinement ciblé que le bilan du Covid-19 en France aurait sans doute été beaucoup moins lourd. Parlant de bilan dans les hôpitaux comme dans les Ehpad et maisons de retraite privées, difficile aussi de savoir ce qui, du coronavirus ou des autres facteurs de morbidité, a réellement causé la mort de nombre de patients durant l’épidémie.
La comparaison avec la mortalité de la grippe saisonnière a, elle aussi, beaucoup occupé les médias, notamment autour du 20 avril dernier, quand le directeur de la Santé, Jérôme Salomon, a affirmé que le Covid-19 avait tué «de loin davantage que toutes les épidémies de grippe, même les plus meurtrières, et davantage que la canicule de l’été 2003», qui avait fait 19.000 morts. En avril dernier, l’INSEE, organisme chargé d’établir les statistiques, tentait de donner des points de comparaison. Et de rappeler dans un billet de blog intitulé «Faire parler les chiffres de décès publiés par l’Insee… avec discernement»:
«Il faut d’abord avoir en tête quelques ordres de grandeur: en France, le nombre de décès annuel est de 600.000, soit 1.650 en moyenne par jour; on meurt plus souvent en hiver qu’à la belle saison et le nombre de décès journaliers est en général compris entre 1.500 en été et 1.800 en hiver, mais il peut dépasser 2.000 lors des pics de grippe saisonnière (comme en janvier 2017, avec 2.200 décès par jour en moyenne).»
Le suivi annuel de la mortalité permet d’affirmer que la grippe tue en moyenne chaque année en France, explique l’INSEE, 10.000 personnes, souvent âgées. 8.000 environ en 2019, 13.000 en 2018, 14.500 en 2017.
Un confinement… et un demi-million de chômeurs en plus
Un bilan, en tout état de cause, bien inférieur à celui annoncé pour le SARS-CoV-2, qui ne prend même pas en compte les morts à domicile, jusque-là passées sous les radars. Pourtant, le doute persiste, à tort ou à raison, sur l’ampleur de la mortalité avec ses effets délétères sur l’opinion. Sur fond de défiance des Français, il faudra, là aussi, probablement plusieurs mois pour les éclaircir. Si cela est toutefois matériellement possible. Faute de tests et de campagne de dépistage systématique lors de la phase aiguë de l’épidémie dans l’Hexagone, seuls sont disponibles à l’analyse les cas dépistés dans le système hospitalier…
Reste un pays dont il faut faire repartir l’économie et tenter de réparer la casse sociale. Malgré un recours massif au chômage partiel, qui concerne désormais 12,1 millions de salariés et près d’un million d’entreprises, l’économie française s’est retrouvée au premier trimestre en situation de destruction nette d’emplois pour la première fois depuis 2015. Selon une première estimation publiée par l’INSEE, un total de 453.800 destructions nettes d’emplois salariés dans le secteur privé a été recensé sur la période janvier-mars, contre 88.800 créations nettes sur les trois derniers mois de 2019.
L’empressement du gouvernement durant la semaine écoulée à relancer l’activité économique l’indique: le plus grand danger, y compris dans sa dimension sanitaire, c’est sans doute l’effondrement économique.